La goutte d'eau

Publié le 26 Novembre 2014

La pluie m’avait battu froid dans un bruit de claquettes ou de tambours, avec un acharnement si déraisonnable, que j’en fus troublé.

Quand elle fut calmée, je compris que quelqu’un l’avait irritée, ou tant  agacée, que dans un de ces remue-ménage où le ciel se lave à grande eau, elle avait exprimé une colère fluide et si démesurée que j’avais cru y voir des poissons volants et des oiseaux de mer.

Que lui avait on fait ?

Y avait-il eu de l’orage dans l’air ? Une goutte avait-elle fait déborder le ciel ?

Inquiet, j’interrogeais les nuages à dix lieux à la ronde, puis à vingt lieux au carré, soit quatre cents lieux autour de l’immense étendue d’eau que la furie du ciel avait déversée. Mais tous les nuages prirent la tangente et les diagonales de la fuite. Tous se réfugièrent dans le silence, un silence sec comme un cœur qui a perdu ses larmes.

J’aurais aimé casser ce silence ! Mais sans casse-silence et sans outil, comment le briser, comment fendre la glace, comment l’émouvoir ?

Alors, sans cesse, je répétais d’une voix implorante :

- Qui donc ? Qui donc ? Qui donc ?

Mais le silence était sourd.

Pourtant, à force d’insistance, une gouttelette perdue finit par se confier.

- J’ai voulu quitter la Goutte d’Or et me réfugier au soleil, me dit-elle, c’est cela qui a irrité le Grand Nuage. Tout fâché, il m'a expulsée, moi et mes sœurs.

- Allez bronzer ailleurs, nous a-t-il dit, mais revenez !

Et nous voilà toutes à terre, à avoir nos vapeurs, et à dépérir sur une route sans nuage. Je le sens, nous ne ferons pas de vieilles eaux, nous prenons un bien mauvais chemin et le virage est obtus, nous allons toutes mourir, je le crains. Croyantes ou non, nous savons que quelque chose là-haut nous attend pourtant !

 

Depuis, moi aussi je me demande si le Puissant n’est pas dans les nuages !

Rédigé par JMS

Publié dans #Textes JMS

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